Retour sur les séminaires doctoraux 2021 - "Interdisciplinarité et droit"

Retour sur les séminaires doctoraux 2021 - "Interdisciplinarité et droit"

Le droit peut-il se passer des autres disciplines ? Comment et pourquoi adopter une méthodologie interdisciplinaire dans la recherche en droit ? Que peuvent apporter les autres disciplines à la recherche juridique ? Ces différentes questions ont animé les débats qui se sont tenus en présentiel dans les locaux de l’Université Lyon 2 puis de l’Université Clermont Auvergne. 

L'A.D.P.L. a mis en place un partenariat avec l’Association Clermontoise des Doctorants en Droit et Sciences politiques (A.C.D.D) afin de créer des liens interuniversitaires entre les doctorants et doctorantes de la région Auvergne-Rhône- Alpes, en vue d’échanger sur la recherche et l’expérience de la thèse. L’objectif de ces rencontres est de proposer un temps de rencontre, de débats, moins formel qu’une manifestation scientifique plus classique, en prenant pour objet des questions d’ordre méthodologique afin de fédérer l’ensemble des doctorants en droit (droit privé, droit public, histoire du droit). Les premières rencontres doctorales se sont déroulées les 28 mai et 18 juin, respectivement à Lyon et à Clermont-Ferrand, avec pour thématique transversale celle de l’interdisciplinarité dans la recherche en droit. Ce choix résulte du constat que la pratique de l’interdisciplinarité en droit est inhabituelle pour les juristes, eux qui appréhendent la matière dans et par son autonomie, tendant à isoler la juridicité des autres disciplines. Or, le positionnement scientifique et social du droit doit conduire les juristes à questionner leur méthodologie, analyser les influences réciproques entre les disciplines et à décloisonner leur recherche.

Les rencontres doctorales qui se sont tenues sur le thème “Interdisciplinarité et droit” à Lyon et Clermont-Ferrand en mai et juin 2021 ont été l’occasion de réfléchir à la nature de la recherche interdisciplinaire dans le monde juridique. Il s’agit ici de livrer quelques conclusions de ces échanges.

Ce texte est un extrait d’une publication dans le magazine de la Faculté de Droit de l’Université Jean Moulin Lyon 3 en septembre 2021  : accessible à ce lien.

Franchir les frontières disciplinaires du droit permet aux chercheurs de mieux construire leur objet d’étude afin d’en saisir la complexité. Dans certains cas, envisager son objet par le seul prisme du droit le prédétermine, réduisant ainsi l’exhaustivité de la recherche. L’interdisciplinarité est alors d’abord un dépaysement. Olivier Leclerc invite ainsi les juristes à accepter d’être interloqués. La méthode appliquée par les autres disciplines sert à penser le droit. Le juriste doit donc se nourrir d’autre chose que de la Norme pour bien comprendre l’épaisseur, la construction sociale qui a mené à ces règles.

Certaines branches du droit imposent d’ailleurs ce passage par d’autres disciplines. En droit de l’environnement par exemple, l’interdisciplinarité est indispensable, en raison d’objet d’étude ayant souvent d’abord été appréhendé en dehors de la dogmatique juridique, comme l’a souligné Isabelle Michallet. Lors de la présentation de ses travaux, Tom Drevard et Emma Novel ont ainsi expliqué que pour définir la biodiversité et l’adaptation aux changements climatiques en droit, il est d’abord nécessaire de se confronter aux définitions qu’en donnent les autres disciplines scientifiques (écologie, biologie, physique, philosophie). Or, si elle permet d’affiner son objet, cette approche pose également une difficulté supplémentaire lorsque les définitions ne concordent pas. Le juriste n’étant pas chercheur en biologie, en économie ou autre, il lui faut trouver une définition unifiée des différentes réalités perceptibles. Il faut donc établir des critères de définition et identifier les éléments pertinents en droit, car l’interdisciplinarité se pratique depuis la discipline d’origine (ici, le droit). En effet, si le détour par d’autres disciplines permet de définir son objet, d’évaluer le droit, sa pertinence, son effectivité, le chercheur en droit doit toujours « revenir au droit » et proposer sa propre traduction.

L’interdisciplinarité dans la recherche en droit correspond à une réalité de plus en plus prégnante, d’un point de vue institutionnel d’abord, s’agissant de l’organisation des laboratoires de recherche et de la recherche de financements, d’un point de vue pratique ensuite, en termes de connaissances et de compréhension des phénomènes sociaux que le droit permet d’expliquer. Les mutations que connaissent aujourd’hui les Universités affectent indiscutablement la recherche qui s’effectue en leur sein. La recherche juridique n’y fait pas exception. 

L’interdisciplinarité, telle qu’elle a été envisagée à l’occasion de ces rencontres, n’est donc pas autre chose que du droit. Elle consiste simplement à faire du droit autrement. Mobilisées dans le cadre d’une recherche individuelle, les autres disciplines permettent de mieux comprendre la norme. Le chercheur en droit n’a en effet jamais de légitimité en dehors de sa propre discipline. La méthode interdisciplinaire est donc un outil au service de l’étude du droit. C’est en tout cas les conclusions auxquelles ont abouti les discussions de ces demi-journées de rencontres doctorales Lyon/Clermont-Ferrand.

L'ADPL remercie l'ensemble des intervenants et des participants à ces journées.